Sous la direction du Docteur Jacques Waynberg.

Docteur Jacques WaynbergDirecteur de l'Institut de Sexologie à Paris,
Directeur de l'Enseignement de la sexologie
à l'Université de Paris VII.

Le vaginisme

Le vaginisme est du domaine presque exclusif de la sexologie non seulement parce que ses techniques propres en viennent à bout, mais aussi parce que sans « raison anatomique » apparente, il se définit par une phobie de la perforation très caractéristique de l’immaturité érotique en général.

Sur le plan clinique le vaginisme a également le précieux privilège d’être un des rares troubles sexuels impossibles à camoufler, puisqu’il se manifeste par des spasmes infranchissables de toute la musculature du bassin, des cuisses, dans une attitude de défense, de fuite, qui interdisent non seulement toute pénétration, mais même tout examen gynécologique : la découverte (ou la confirmation) du symptôme, ne fait donc pas de doute.

La patiente « panique » : l’écartement des cuisses est difficile, l’admission du doigt au contact de la vulve presque toujours impossible, le passage au-delà de la zone de l’hymen est interdit par le barrage très serré de la contraction des muscles releveurs de l’anus. Ce mouvement de retrait est irrépressible, involontaire, notamment lorsqu’il s’agit d’une visite de contrôle gynécologique.

Les racines d’un tel « interdit de toucher » sont évidemment psychologiques, en particulier chez de jeunes femmes en pleine santé. Mais ce qui ne manque pas de frapper l’observateur c’est la disproportion entre un tel comportement de défense et la banalité des stress qui en sont apparemment responsables : éducation culpabilisatrice, conformisme religieux (honte de tout contact sexuel), censure de la masturbation, tutelle parentale encore souveraine, brutalité et échec des premières tentatives de rapport, souvenir d’une agression sexuelle de l’enfance ou de l’adolescence… ne constituent pas, contre toute attente, des pistes suffisamment inédites dans l’histoire d’une femme pour expliquer de tels échecs.

Le vaginisme est donc causé par une amplification irréfléchie d’un traumatisme confidentiel. Ce traumatisme va influer à la fois sur le comportement, le fonctionnement de l’imagination et le passage à l’acte. Toutes les femmes subissent des chocs analogues, et celles qui ne les neutralisent pas peuvent être suspectées d’« immaturité » ou de « névrose ». C’est aller trop vite en besogne. Certains auteurs classiques vont même jusqu’à décrire trois types de « vaginiques » : l’innocente capricieuse, la rebelle fanatique, la martyre hypocrite. Il ne faut pas sous-estimer les origines psychologiques de cette souffrance, mais sa guérison, si habituelle et souvent spontanée, doit inspirer moins d’emphase. Sexuellement du reste, une femme vaginique n’est pas a priori « frigide ». Elle reconnaît obtenir des orgasmes superficiels par frottement et caresses. Cette solution de remplacement peut être source de joie et d’équilibre du couple tant que n’émerge pas le désir d’enfant. Le partenaire, dans ce cas, est toujours affectueux et inoffensif : c’est à ce prix qu’il a été choisi, à l’époque de fiançailles nécessairement chastes et pures. Un tel pacte de non-agression, on le sait, aboutit à l’installation d’un mariage non consommé.

La personnalité et les comportements du partenaire sont donc d’un intérêt majeur pour le sexologue. La notion de « non-consommation » du mariage sera complétée de l’étiquette de « mésentente conjugale » par exemple, si au lieu de partager des attouchements joyeux et émouvants, les « rapports » s’enlisent dans des duels maladroits et têtus. Les motifs de consultation sont donc réels et urgents. Médicalement cependant, si le diagnostic est soupçonné à partir des déclarations de la patiente ou de son partenaire, il est indispensable de fixer un « seuil » (équivalent à deux cycles menstruels) au-delà duquel le vaginisme est confirmé. L’expérience montre que de nombreux couples peuvent échouer dans leurs tentatives de pénétration vaginale pendant un mois après le mariage sans qu’il reste ultérieurement de trace de ces hésitations. De toute façon, l’examen clinique s’impose, car si le vaginisme est la plupart du temps « imaginaire », il peut coexister avec de réelles malformations génitales, une infection grave. C’est ici qu’intervient la classification clinique des vaginismes :

  • Le vaginisme primaire s’installe neuf fois sur dix après une période d’échecs répétés sur une période d’au moins deux mois ; c’est pour un couple marié une durée limite, au-delà de laquelle s’installe le renoncement, ou le conflit ouvert.
  • Le vaginisme secondaire peut venir compliquer une dyspareunie, telle que je viens, de la définir plus haut. Mais ce n’est pas une règle absolue, c’est même un signe d’aggravation exceptionnel et préoccupant pour l’avenir.
  • Le vaginisme compliqué est le véritable adversaire du sexologue parce qu’il allie à l’angoisse de perforation, l’impuissance du partenaire, une mésentente et, souvent, une frigidité primaire tenace. Cette absence de désir complique le tableau parce qu’elle prive la femme de toute gratification, de toute amélioration immédiate malgré l’effort qu’elle fournit.


Quelles sont les réponses à de tels problèmes ?

Un certain nombre de recettes doivent être définitivement reléguées au répertoire de la préhistoire sexologique : défloration chirurgicale, prescription de tranquillisants, utilisation de « bougies » de métal de diamètre « croissant » au fil de « séances de dilatation » et, de façon absolue selon moi, insémination artificielle, sont autant de traumatismes créés de toutes pièces dans l’intention de porter remède.

À l’inverse, le respect de quelques principes simples et précis assure au moins à l’intervention du sexologue un minimum de tolérance et d’efficacité.

  • Chez une femme vierge, la défloration ne sera que l’œuvre du partenaire, et sa responsabilité.
  • Quel que soit le type de vaginisme, l’appréciation des motivations au changement sera distinguée du désir de grossesse : les premières peuvent assurer la guérison, pas le second.
  • L’examen clinique, nécessaire pour le diagnostic, ne se fera jamais avant le deuxième ou troisième entretien.
  • La relaxation est la clé de voûte de la cure, mais les dix à douze séances envisa­gées a priori pour désamorcer les spasmes, doivent être complétées par un « travail » assidu à la maison.
  • C’est le doigt, celui de la femme elle-même, puis celui du mari, qui sert de guide à l’apprivoisement des muqueuses, l’autre main tient un miroir.
  • Différer la question du coït aussi longtemps qu’un certain confort ne s’est pas substitué à l’angoisse : cela peut prendre plusieurs mois.
  • Chemin faisant on évoque les postures d’un rapport, l’enrichissement des gestes, la manipulation moins timorée de la verge, mais l’accès à l’orgasme par masturbation, « doit » être acquis.

Moins de 20 % des cas seront ainsi « incurables » et imposeront un repli stratégique vers une authentique psychothérapie. Une fois encore, en sexologie, ce n’est pas la partie visible de l’iceberg qui compte : des vaginismes âpres et anciens cèdent en quinze jours, d’autres plus frondeurs sont fatals pour le couple.

Docteur Jacques Waynberg.